Lettre 19 juin 2023
Madame Andrée Laforest Ministre des Affaires municipales Édifice Jean-Baptiste de la Salle 10, rue Pierre-Olivier-Chauveau Aile Chauveau, 4e étage
Québec (Québec) G1R 4J3
Madame Maïté Blanchette Vézina Ministre des Ressources naturelles et des Forêts
5700, 4e Avenue Ouest
Québec (Québec) G1H 6R1
Monsieur André Lamontagne
Ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec
200, chemin Sainte-Foy, 12e étage Québec (Québec) G1R 4X6
DE: Maison de l’UPA 555, boulevard Roland-Therrien, bureau 100
Longueuil (Québec) J4H 3Y9 450 679-0530 upa.qc.ca
Objet : Réinclusion en zone agricole des terres de Rabaska
Mesdames les Ministres,
Monsieur le Ministre,
La présente porte sur la réinclusion en zone agricole de 271,7 hectares, lesquels ont été exclus inutilement de la zone agricole, en 2007, par le décret gouvernemental 917-2007, pour la réalisation du Projet Rabaska, qui a été abandonné en 2013.
Rappelons que le Projet Rabaska avait pour but la création d'un terminal méthanier à Lévis, sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, et comprenait, notamment, la construction d’un gazoduc reliant le terminal au Gazoduc Trans-Québec et Maritimes. En 2007, bien que la Commission de la protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) eût rendu un avis défavorable au projet compte tenu des effets négatifs sur l’agriculture, le gouvernement choisit de retirer la compétence de la CPTAQ dans ce dossier et de procéder unilatéralement à l’exclusion de la superficie totale.
Or, le projet ne s’est jamais réalisé et, en octobre 2013, le gouvernement du Québec confirmait son abandon définitif. Les 271,7 ha demeurent, encore aujourd’hui, hors de la zone agricole, et ce, malgré une entente écrite avec le Syndicat de l’UPA de Kennedy dans laquelle Rabaska s’engageait à réaliser conjointement une démarche auprès du gouvernement du Québec visant l’adoption d’un décret pour réinclure les lots exclus en zone agricole. Jusqu’à ce jour, Rabaska ne respecte pas son engagement, bien que mise en demeure de le faire par le Syndicat.
Toute cette situation est déplorable. Récemment, la Ville de Lévis a publié un avis d’expropriation sur une partie de ces lots. Parallèlement à ces démarches, nous apprenions par le biais des médias que Rabaska négociait la vente des lots au Port de Québec et qu’une transaction devrait se concrétiser dans les prochaines semaines.
Dans son mémoire (réf. : PL 103, 2021), l’Union des producteurs agricoles (UPA) rappelait que le recours aux décrets, en lieu et place d’un processus de planification rigoureux, d’une analyse et d’un avis favorable de la CPTAQ, est hautement discutable. Cette façon d’intervenir en zone agricole ne devrait jamais avoir eu lieu. Le recours aux décrets autorisant une utilisation à des fins autres que l’agriculture ou une exclusion d’un ou de plusieurs lots constitue une brèche importante et un désaveu de la CPTAQ, qui a le mandat d’application de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA).
Depuis 2021, par l’adoption du PL 103, la LPTAA prévoit qu’une décision du gouvernement autorisant l’exclusion d’un lot d’une zone agricole doit dorénavant prévoir sa réinclusion en cas de non-réalisation du projet (article 66 LPTAA). Cette modification traduit la volonté de l’Assemblée nationale d’éviter que des situations aberrantes comme celle de Rabaska ne se reproduisent. Dans le dossier Rabaska, le décret gouvernemental 917-2007 ne le prévoyait pas. Toutefois, le gouvernement peut très bien, aujourd’hui, pallier ce non-sens et corriger le tir en adoptant sans délai un décret pour réinclure ces hectares en zone agricole.
Or, aujourd’hui, dans le dossier des terres de Rabaska, il y a urgence d’agir, car :
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contrairement à toutes les valeurs de protection et de conservation des milieux naturels clamées par le gouvernement, en lieu de milieux humides, tourbières ouvertes et boisées ainsi que de forêts à potentiel acéricole reconnues dans l'outil Forêt ouverte du gouvernement du Québec, la Ville de Lévis souhaite établir une zone industrielle; (1)
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il en va de la survie d’un dynamisme agricole et de la présence d’activités agricoles (2) sur des sols productifs de haute qualité. Cette démarche s’inscrit dans une volonté citoyenne locale forte de préserver la vocation agricole des terres dans ce secteur et de les réinclure formellement dans la zone agricole (requête de réinclusion déposée à la CPTAQ – dossier no 441112);
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la perte imminente de compétence sur ces terres du gouvernement du Québec (3) impliquerait une impossibilité de mettre en œuvre la vision, les objectifs et les cibles de la Politique nationale de l'architecture et de l'aménagement du territoire, d’application des finalités visées par les récentes modifications législatives de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme (mai 2023) ou de conformité aux nouvelles orientations gouvernementales en aménagement du territoire en cours de consultation (été 2024).
Par la présente, l’UPA, la Fédération de l’UPA de la Chaudière-Appalaches et le Syndicat de l’UPA de Lévis demandent formellement au gouvernement du Québec de procéder à la réinclusion en zone agricole par voie de décret d’inclusion des 271,7 hectares inutilement exclus il y a de ça maintenant plus de 16 ans. Subsidiairement, l’inclusion devrait comprendre les superficies agricoles en culture ainsi que celles ayant un potentiel acéricole.
Par l’exemplarité d’un tel geste de réinclusion, le gouvernement donnera un signal clair que les intentions et les objectifs de l’ensemble des politiques, des règlements et des législations qu’il a adoptés depuis son premier mandat constituent réellement le fondement d’une vision d’avenir où la résilience face aux changements climatiques passe par l’autonomie alimentaire, la protection des milieux naturels, le développement des entreprises agricoles et la protection du territoire agricole.
Nous vous prions d’agréer, Mesdames les Ministres, Monsieur le Ministre, l’expression de notre considération distinguée.
Le président général de l’Union des producteurs agricoles,
Martin Caron
Le président de la Fédération de l’UPA de la Chaudière-Appalaches,
James Allen
c. c. M. Benoit Charette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs
1- Résolution du 2 juin 2023 : https://www.ville.levis.qc.ca/uploads/media/CV-2023-06-02-PV.pdf
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1984090/ville-levis-expropriation-rabaska-terrains-zone-innovation-maritime- davie.
2- Dans le segment nord, on dénombre près d’une vingtaine de « Parcelles et productions agricoles déclarées à la Financière agricole du Québec (FADQ) », https://demeter.cptaq.gouv.qc.ca.
3- Un article de Radio-Canada, daté du 7 juin 2023, confirmait que « la transaction devait se conclure au cours des prochaines semaines, peut-être même le prochain mois »
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1985924/expropriation-rabaska-lehouillier-levis.